L’identification et la cueillette de plantes sauvages, y’a comme un petit aspect romantique à ça, non?
Se promener dans les prés avec un panier d’osier pour récolter de belles fleurs, les faire sécher puis macérer pour fabriquer un beurre corporel, un sérum ou un onguent… Le summum pour la grano d’Amérique! (C’est nous, ça. Haha.)
C’est une activité fantastique et gratifiante, oui. MAIS on ne devrait pas s’improviser cueilleur ou cueilleuse du jour au lendemain.
Voici six bonnes pratiques à adopter impérativement avant de vous lancer, ainsi que nos suggestions de livres, guides, sites Web et applications pour vous aider avec l’identification.
Et pssst! As-tu vu que nous avons un herbier de mauvaises herbes? L’ultime outil du·de la cueilleur·euse responsable!
Exemple type: le chaga
Avertissement: le but, ici, n’est pas de lancer la pierre, mais plutôt d’informer et de sensibiliser, en toute bienveillance.
Le chaga, ce champignon exceptionnel aux propriétés époustouflantes, est trop souvent victime de sa superbe, bien malgré lui. Notre chemin croise fréquemment celui de cueilleur·euses amateurs qui se sont lancé·es dans sa récolte dans le but, entre autres, de le vendre. Nous sommes convaincues que ceci part toujours de bonnes bases (curiosité, apprentissage, connexion à la terre), mais d’importantes rectifications s’imposent:
- la cueillette du chaga demande tout un bagage de connaissances. Mal le cueillir peut facilement endommager, voire même tuer l’arbre sur lequel il a poussé. Mettons que… c’est pas mal plate.
- ce champignon met de 3 à 5 ans à se développer. Un peu long pour en abuser.
- on ne peut pas le cultiver puisque ses propriétés thérapeutiques viennent en partie de l’arbre sur lequel il vit. Indépendant, et fragile.
- il faut aussi avoir tout un savoir pour le faire sécher de façon appropriée. Un chaga mal séché peut être porteur de moisissures dangereuses pour la santé. Heylala… le cueillir sans trop savoir, puis le gaspiller de surcroît. Veut-on vraiment risquer ça?
On te jase de cet exemple type puisqu’il se retrouve dans pratiquement chaque point abordé ci-dessous.
Tu sais comment cueillir et préparer le chaga? Parfait. Cueilles-en pour toi seulement, avec parcimonie, respect et savoir-faire.
Autrement, le rôle d’une entreprise comme la nôtre est de s’assurer que le chaga qu’elle vend et/ou qu’elle utilise dans la confection de produits provient de fournisseurs qui le cueillent de façon responsable, éthique et respectueuse.
1. Prendre. Son. Temps.
Quand on se découvre une nouvelle passion, il peut être tentant de vouloir tout découvrir et faire les choses rapidement. Toutefois, la précipitation ne fait pas bon ménage avec l’identification et la cueillette de plantes!
À vouloir faire trop vite, on peut :
- faire une mauvaise identification;
- cueillir une plante à statut particulier;
- cueillir une plante toxique (rappelez-vous le film Into The Wild…)
- cueillir une plante à croissance lente ou de haute importance pour un habitat;
- cueillir et disperser les graines d’une plante exotique envahissante;
- trop cueillir;
- et on en passe!
Il faut d’abord apprendre à « lire » les plantes, ni plus ni moins.
Apprendre les termes, les parties des plantes, les petits détails qui font parfois toute la différence. Vous devrez vous familiariser avec différents éléments, par exemple :
- Le type de feuilles : simples? composées?
- La disposition des feuilles : alternes? opposées?
- Les parties des plantes : sépales, pétales, pédicelles, limbe, hampe florale, stolons…
- Le type d’inflorescence : capitule, grappe, épi, ombelle, corymbe, spadice…
Bon, l’idée, ici, c’est pas de vous rebuter avec du name dropping, mais simplement de vous démontrer la complexité de la chose. On compte environ 2800 espèces de plantes vasculaires différentes au Québec. Il est irréaliste de penser qu’on peut toutes les identifier rapidement. C’est un processus. Il faut faire preuve de patience.
On procède comment? Une plante à la fois. Tout simplement.
2. S’assurer d’avoir bien identifié avant de cueillir, et d’avoir une raison de cueillir!
Cueillir et identifier après? Pas une bonne idée.
Cueillir sans avoir aucune idée de ce qu’on va faire avec la plante? Pas une bonne idée non plus.
Avant la récolte, on doit d’abord s’assurer que la plante nous sera réellement utile.
Ensuite, on confirme notre identification avec un minimum de trois sources différentes. C’est l’aspect le plus important. Vraiment.
Les outils d’identification
Il existe de nombreuses sources pour nous aider à identifier une plante : guides d’identification, clés d’identification, sites Web, forums, groupes Facebook et aussi certaines applications.
Quelques suggestions de livres
Guides pour le terrain
- Les multiples guides d’identification de Fleurbec : ils datent un peu, mais ils sont encore tellement intéressants et bourrés d’information! On aime particulièrement ceux-ci :
- La petite flore forestière du Québec : un petit classique, hyper pratique, à traîner dans le sac à dos lorsqu’on part à la recherche de plantes. Il m’a accompagnée durant tout mon bac en écologie!
- Arbre et plantes forestières du Québec et des Maritimes : un beau guide complet et compact! Il permet d’identifier facilement grâce aux photos en couleur. Un autre guide qu’on apporte avec soi sur le terrain, absolument.
- Guide d’identification des mauvaises herbes du Québec : vous nous connaissez, on considère qu’il n’y a pas vraiment de mauvaises herbes, hehe (sauf la maudite herbe à puce!). Bien souvent, les « mauvaises herbes » sont nos plantes médicinales chouchous (pensez au plantain!). J’aime ce guide puisqu’il nous aide à identifier les plantes alors qu’elles sont encore des p’tits bébés!
- Usages autochtones des plantes médicinales du Québec : les guides de La Métisse sont des petits bijoux bourrés d’informations.
Ouvrages de référence
- GRAND classique : la Flore laurentienne de Marie-Victorin, qui propose de nombreuses clés d’identification et de l’information détaillée. Attention, ce n’est pas un livre de chevet ni un livre de « terrain ». C’est un livre de référence scientifique, un outil d’identification, une vraie brique! Mais une brique que j’adore.
- Gros coup de cœur pour Forêt, le magnifique livre d’Ariane Paré-Le Gal et Gérald Le Gal. Il est tout simplement à se jeter par terre. Si beau, si pratique… Une véritable bible des plantes comestibles sauvages, avec des illustrations et photos magnifiques, un calendrier de cueillette… On l’utilise davantage comme livre de référence à la maison que comme guide de cueillette, car il est un peu gros à traîner dans le bois hehe.
Quelques références Web
- L’encyclopédie des fleurs du Québec : hyper pratique. On peut faire nos recherches en filtrant les résultats par couleur, saison de floraison, région, catégorie de plantes, etc.
- L’Herbier du Québec : un site Web gouvernemental que j’aime beaucoup, avec de nombreuses photos et précisions qui aident à l’identification. Une occasion de consulter en ligne des documents uniques et fragiles normalement réservés aux spécialistes de la botanique! Ouuuhh!
- Flore du Québec : un autre outil intéressant, un peu dans l’esprit d’une clé d’identification.
- FloraQuebeca : une liste de clés d’identification pour certaines familles de plantes. Évidemment, pour les utiliser, il faut savoir reconnaître les familles de plantes. Mais si c’est votre cas : go! Super pratique.
Applications d’identification
De plus en plus d’applications permettent l’identification simplement à partir d’une photo prise avec votre téléphone intelligent. Évidemment, il faut rester prudent∙e et valider l’identification (avec deux autres sources, comme pour tout), mais ça nous donne souvent une super bonne idée de la piste à suivre!
Il existe aussi plusieurs groupes Facebook dédiés à cela!
Les trucs pour avoir du succès dans vos demandes d’identification sur les groupes ou forums? Votre publication devrait :
- être accompagnée d’une ou plusieurs bonnes photos (oubliez les photos floues haha!);
- permettre de voir la plante dans sa globalité, avec aussi parfois des gros plans sur les détails;
- donner des informations sur le lieu de récolte, qui peuvent être d’une grande aide. Les plantes de la Côte-Nord vont varier de celles du sud du Québec, et celles d’une forêt de conifères vont différer d’une friche ou d’un bord de route. Plus il y a d’informations, plus simple sera l’identification.
3. Ne pas cueillir d’espèce à statut particulier
Vous êtes tombé∙e sur une belle plante, mais ne pouvez l’identifier? Revisitez le point 2 : il est préférable de s’abstenir lorsqu’on n’est pas en mesure de confirmer l’identification. Pourquoi? Parce que la plante est peut-être dans une situation précaire. On trouve une liste des plantes à statuts particuliers ici.
4. Ne pas cueillir dans les parcs nationaux et les lieux de conservation
Vous êtes en pleine randonnée dans un parc national et vous avez remarqué une belle talle de millepertuis? En raison de la mission de préservation des parcs nationaux, il est interdit de cueillir ou de prélever quelque élément naturel que ce soit. Même s’il est commun et vous semble être présent en abondance. Dites-vous qu’à la quantité de gens qui fréquentent les parcs nationaux, si tout le monde se passe ce commentaire pour se donner le go… il ne restera plus grand-chose après un certain temps. Et pour les lieux de conservation? On s’abstient, évidemment!
5. Cueillir des quantités raisonnables et adaptées
Le mot d’ordre? Respect.
Cueillez seulement la quantité nécessaire à vos besoins. On ne cueille pas tout sur son passage! La plante que vous convoitez est-elle la seule de son environnement ou la trouve-t-on en quantité abondante?
Respect de la capacité de régénération des plantes
Demandez-vous d’abord si la cueillette peut nuire à la croissance de la plante et à sa reproduction. En règle générale, on module la cueillette en fonction de la quantité de plantes dans l’environnement immédiat, mais aussi en fonction des parties de la plante cueillies.
1. Fleurs et fruits
On pourra cueillir les fruits et les fleurs en abondance, tout en gardant en tête que c’est aussi l’aliment de nombreux oiseaux, animaux et insectes (pensez à nos précieuses alliées les abeilles et aux autres pollinisateurs!). Rappelez-vous aussi que dans les fruits, on trouve les graines. Les plantes ont besoin de leurs fruits pour leur propre reproduction. On aime beaucoup la petite règle de trois suivante : 1 pour nous, 1 pour la plante, 1 pour les animaux. Bon, c’est un peu naïf et ça ne s’applique pas à tout, mais reste que c’est une bonne idée de garder en tête qu’on fait partie d’un écosystème!
2. Feuilles et pousses
Pour les feuilles et les pousses, on pourra cueillir avec parcimonie, en demeurant conscient∙e que pour qu’une plante survive, elle a besoin de faire de la photosynthèse et que ça se passe principalement par les feuilles. Un sapin privé de toutes ses jeunes pousses ne survivra pas plus de 2 ou 3 ans.
4. Racines
Pour les racines, soyez au fait que la cueillette des racines va tuer la plante. Il faut donc s’assurer qu’elle est présente en abondance avant de la prélever.
Respect de l’importance écologique de chacune des plantes, même les plus communes : une priorité.
Elles sont l’habitat ou la source alimentaire d’autres animaux ou insectes. Elles ont toutes un rôle à jouer dans l’écosystème.
6. Respecter la propriété privée
Finalement, le dernier point, mais non le moindre : on ne s’aventure pas n’importe où pour récolter! Demandez aux propriétaires la permission avant de cueillir sur un terrain privé. Ce n’est pas possible? Vous ne savez pas qui est le propriétaire? C’est plate, mais alors, on s’abstient!
Avec ces quelques concepts de base, de la patience, de la curiosité, une soif d’apprendre, et surtout, du respect pour les plantes et pour leur importance dans l’écosystème, vous êtes en business et vous pourrez identifier et cueillir de manière éthique et raisonnable.
Bonne cueillette!