Des terrains vagues gris et tristes, des bords d’autoroutes déserts et rocailleux, des coins de terrains sans rien pantoute, c’est d’une tristesse sans nom. Meilleur truc pour remédier à ces 50 nuances de gris? On a nommé les « bombes de semences »!
La révolution fleurie
Eh oui, on peut bel et bien donner un coup de pouce au processus naturel de dispersion des graines à l’aide de belles petites bombes constituées d’argile, de compost ou de terre et de semences de fleurs et de plantes – bien peu d’ingrédients qui résultent néanmoins en de petites, puis grandes, révolutions fleuries. On les laisse dans les milieux qui peuvent bénéficier de l’intervention humaine parce que, pour une raison ou une autre, les processus naturels ont du mal à s’y dérouler…
Hmmm, et pour quelle raison, déjà, les processus naturels ont du mal à suivre leur cours dans certains milieux? Ah oui, c’est vrai, à cause de l’intervention humaine!
Jeter des bombes de semences en des lieux choisis avec soin peut donc contribuer à inverser ce cycle en nourrissant le sol et les animaux, et en contribuant au rétablissement écologique d’un milieu où la biodiversité peut s’établir et croître de nouveau, et ce, en très peu de temps!
D’où vient cette idée sensationnelle?
Les bombes de semences proviennent d’une coutume japonaise ancienne appelée Tsuchi Dango (« dumpling de terre »). En 1938, un microbiologiste, fermier et philosophe du nom de Masanobu Fukuoka (1913-2008) leur a refait faire surface dans la culture populaire. Eh ben!
Ce gars-là avait vraiment des idées intéressantes. Auteur du livre La révolution d’un seul brin de paille, il cultivait une philosophie qui consiste à s’en remettre à la nature et à ses lois. Dans ce livre, il s’oppose donc à l’exploitation industrielle de la terre et prône l’agriculture sauvage (c’est-à-dire la pratique de l’agriculture de façon « désorganisée » et en milieux sauvages), laquelle, tout en demandant moins de travail, vise à préserver la santé de la terre et garantirait des rendements similaires ou supérieurs à ceux de l’agriculture industrielle. N’est-ce pas là une démarche basée sur l’humilité et dont nous devrions tous.tes nous inspirer?
Les plantes à privilégier
Es-tu du genre à être confus·e quand vient le temps de démêler les différents types de plantes et de fleurs? Inquiète-toi pas, tu n’es pas seul·e! Vivaces, annuelles, bisannuelles, annuelles qui se ressèment… on te démystifie ça, rapido presto!
Note que toutes les fleurs et plantes dont on te parle ici renaîtront d’elles-mêmes année après année. C’est un peu la clé de toute cette histoire : un mélange de fleurs vivaces ou annuelles et/ou bisannuelles qui se ressèment représente un choix judicieux qui assurera le peuplement véritable du sol, et ce, sur le long terme. La nature se chargera de la suite!
Important
On te propose de favoriser des semences de plantes sauvages (indigènes et naturalisées). C’est-à-dire qu’elles sont soit natives d’ici, soit d’ailleurs, mais qu’elles font partie de notre écosystème depuis longtemps. Pourquoi? Pour respecter la biodiversité et y contribuer sans rompre l’équilibre local.
Annuelles et bisannuelles
Ce sont des plantes dont le cycle de vie ne dure qu’un an (annuelles) ou 2 ans (bisannuelles). Il faut donc sélectionner des espèces qui se ressèment, tout simplement! Celles qui ne se ressèment pas ou peu doivent être réservées pour les aménagements paysagers qui ont besoin de nos soins, année après année. Tu peux donc opter pour :
- pensée sauvage
- tournesol
- pissenlit (en veux-tu, de la rébellion?)
- bourrache officinale
- mélilot blanc
- impatiente du cap
- grande molène
- vergerette du Canada
- tabac petit canadien
- bourse-à-pasteur
Vivaces
Les vivaces sont des plantes qui repoussent chaque printemps. Leur longévité varie de 2 à 8 ans. Quand on pense vivaces, on pense :
- achillée millefeuille
- asclépiade
- immortelle de Virginie
- astagache fenouil
- aster (à grandes feuilles, ponceau)
- bardane
- chicorée sauvage
- consoude
- échinacée
- épervière orangée
- iris versicolore
- millepertuis
- mauve musquée
- marguerite
- monarde sauvage
- rudbeckie
- tanaisie
- trèfle rouge
- verge d’or
- plantain
Plusieurs de ces variétés fleurissent même tout l’été!
Note que certaines de ces fleurs et plantes nécessitent un traitement au froid (c’est ce qu’on appelle «stratification froide» ou encore «vernalisation»). On les sème donc normalement à l’automne! Tu peux ainsi te concocter des bombes de semences exprès pour l’automne. Si tu les sèmes au printemps, ces semences tomberont tout simplement en dormance et germeront au printemps suivant! On te l’a-tu dit que la nature est bien faite? L’asclépiade, l’échinacée et le millepertuis font partie des petites merveilles qui aiment ça, le froid!
Fabriquer ses bombes de semences
Alors, si tu as le goût toi aussi de faire la joie des butineurs et de tout un écosystème, fabrique des bombes de semences et jette-les au sol dans des terrains vagues, au bord des routes ou dans des p’tits coins urbains manquant de couleurs.
Rendement : environ 30 bombes de la grosseur d’une cerise
INGRÉDIENTS
- 3 c. à soupe de semences de fleurs sauvages au choix (voir nos suggestions ci-haut)
- 6 c. à soupe de substrat (terre ou compost)
- 9 c. à soupe d’argile (grise, blanche ou verte) ou de terre argileuse si tu en as à ta disposition
- 1 à 3 c. à soupe d’eau
MARCHE À SUIVRE
Verser les semences, le substrat et l’argile dans un bol et mélanger le tout.
Ajouter lentement juste assez d’eau pour former une pâte de la consistance d’une pâte à biscuits. La quantité d’eau nécessaire varie selon le type d’argile utilisée et la consistance de la terre ou du compost intégrés au mélange. Il faut donc s’assurer de l’ajouter lentement et de vérifier la consistance du mélange fréquemment.
Former des boules de la grosseur d’une cerise en roulant une petite quantité de mélange entre les mains.
Laisser sécher pendant 24 à 48 heures.
Semer les bombes de semences dans des milieux ensoleillés et préférablement avant une pluie.
Truc de pro
« Enfarine » tes mains avec un peu de terre ou de compost avant de rouler tes bombes. Ça collera moins et tu ne gaspilleras pas de mélange et de semences!
Comment ça fonctionne? Par la grâce de Dieu?
Là, tu te dis : « Ben voyons, pourquoi ne pas pitcher des semences à tout vent? Est-ce bien nécessaire de confectionner ces bombes? » On ne recommande pas de lancer les graines à la volée sur les terrains vagues puisque les conditions climatiques du moment pourraient ne pas convenir à leurs besoins et qu’elles ne bénéficieraient d’aucune protection dans l’attente de ces conditions idéales. Certaines sont aussi très légères et s’envoleraient sans pouvoir pénétrer le sol et y germer. Bref, elles seraient laissées à la merci des éléments et pourraient finalement ne pas être en mesure de peupler le petit lopin choisi.
Le principe de la bombe de semences est bien simple : le compost ou la terre confère au mélange les nutriments nécessaires à la germination des graines, alors que l’argile lie le tout et assure l’intégrité matérielle de la bombe pendant son périple. Les graines germent au sein de la bombe, qui commence elle-même à se désintégrer, et s’enracinent lentement dans le sol sous-jacent. Celles qui ne bénéficient pas encore des conditions idéales pour germer au grand jour tombent en dormance et attendent leur tour, tout simplement. C’est-tu pas assez bien fait, la vie? Tout ceci peut prendre des semaines, voire même des mois : chaque chose en son temps. La nature sait bien mieux que nous ce dont elle a besoin.
Les avis divergent quant à la façon de disposer de ces bombes : il y en a qui croient que l’argile qui les compose suffit à leur assurer la solidité nécessaire pour résister à une chute abrupte au sol, alors que d’autres croient que ce n’est pas le cas et qu’il convient plutôt de les déposer au sol. On te laisse donc évaluer la meilleure option selon le type de terrain où tu les laisses, la température et leur vitesse de croisière en vol (comprendre : ta force de lancer!). Compromis : les pitcher, mais en douceur, haha!
Pitcher ses bombes en toute conscience
Reverdir et refleurir des terrains vagues et des bords de routes vient avec certaines responsabilités. En effet, il conviendra de déterminer si le milieu choisi est ensoleillé, favorable à la croissance de tes semences, et d’éviter de semer des graines de plantes exotiques et envahissantes qui pourraient s’avérer une bien mauvaise nouvelle pour la biodiversité des milieux où elles sont semées. Redouble de prudence et pose un regard vigilant et informé sur ta sélection.
Cherche aussi des lieux où le sol est propice à la germination : des endroits avec un sol nu et à la végétation clairsemée. Une friche avec une végétation dense au sol, ce n’est pas une bonne idée puisqu’il n’y aura pas assez de lumière pour la germination et que la compétition entre les plantes sera trop forte.
Il faut aussi prendre conscience de la notion de propriété privée. On ne peut pas allègrement aller sur n’importe quel terrain vague pour semer des plantes. Fais quelques petites vérifications avant de lancer tes bombes pour t’assurer de ne pas être dans l’illégalité.
Conclusion
Tu ne t’en rends peut-être pas compte, mais ton petit geste pourrait très bien incarner la genèse de champs et de bords de routes verdoyants qui deviendront de nouveaux milieux de vie pour la faune et la flore locale ou qui contribueront carrément au rétablissement d’écosystèmes mal en point. Il s’agit de donner quelques années à la nature pour qu’elle reprenne ses droits, tout en beauté et en douceur. Et à l’origine de tout ça se trouvera ta petite bombe. Que c’est beeeeaaaau, c’est beau la viiiiiieee!
Références
https://seeds.ca/d/?t=2e72457200002881
https://theecologist.org/2011/may/04/what-seedbomb
https://espacepourlavie.ca/attirer-les-pollinisateurs-au-potager
https://www.ecoumene.com/cycle-de-vie/annuelle-qui-se-resseme/
https://jardinierparesseux.com/tag/fines-herbes-qui-se-ressement/